12 avril 2006

Jour 254 - Parinacota - S 18.16107º W 69.14056º

1h30, la Croix du Sud plein cadre au dessus de la tente, l'air est chaud, autour de -2ºC. 2h15, près voir ingurgité un thé bien sucré, je me met en marche, la route bien en tête.
Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que cette nuit sera longue. A peine à 5500m, il m'arrive de m'enfoncer à mi-genou et plutôt que de m'obstiner à suivre la route prévue, je préfère rester sur de la neige dure ou de la glace.
Finalement je colle au rocher et prends une voie extrêmement directe vers le sommet.
5h, je commence à douter sérieusement de mes capacités à franchir cet obstacle mais aussi du raisonnable de cette entreprise. A chaque appui, je m'enfonce de 15/20cm et je m'épuise rapidement. Impossible de progresser en zig-zag.

5900m. A quatres pattes sur une pente de 40º, les 400m qu'il me reste me semblent infaisables.
Le soleil se lève, apportant un peu de chaleur à ce calvaire: au bout de 10 pas je m'écroule,le front contre la glace, cherchant desespérément de l'oxygène pour mes jambes.
Ne pas penser, ne pas lever les yeux, l'objectif est de parvenir à faire ces 10 maudits pas supplémentaires.
Le découragement me guette, mais de rage je m'interdis de baisser les bras.
Le scénario se répètera pendant 2 interminables heures.

8h30. A bout de force, presque à en pleurer, j'atteinds le bord du cratère. 1km de diamètre, 250m de parois verticale et le fond du cratère recouvert de neige, le spectacle est époustouflant mais je n'en profite pas... j'en peux vraiment plus.

Sans prendre de photo je redescends, les jambes raides tombent lourdement dans la neige, je n'imagine pas descendre comme ça pendant 1000m. Encore un peu lucide, je sors le poncho qui ne quitte jamais le fond mon sac et improvise une luge de fortune. C'est la bonne idée du jour: les 1000m sont avalés à fond les crampons en moins de 15 minutes, non sans m'être infligé un rush d'adrénaline supplémentaire.

En suivant la pente et sans pouvoir vraiment freiner, je me laisse embarquer dans un goulet et ce n'est qu'à la dernière fraction de seconde que je comprends qu'il se termine par un chute d'une vingtaine de mètres. Debout en déséquilibre à 2m du bord, je m'assois, réalisant à peine ma chance...il s'en est vraiment fallu d'un poil de vigogne pour faire le grand saut.

9h00,camp de base. Vidé, à la vitesse de la viscache anémié, je boucle mon bardas, refusant d'anticiper les 20km qu'il me faut encore parcourir aujourd'hui, à travers les cendres meubles et les marais spongieux.

Le sac se fait de plus en plus en plus lourd, mais au bout de 6 éternelles heures, sous la pluie, j'atteinds Sajama, moribond mais fiers de pouvoir dire aux gens incrédules qui m'interpellent " C'est beau depuis là haut !".
13 heures de calvaire, 1000m de dénivelé positif et 2000m de dénivelé négatif puis 20km de marche dans la foulée... j'ai du perdre quelques précieux neurones sur leLlullaillaco.
Surtout, qu'on ne me parle plus de montagne pendant... 24 heures !

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