01 mars 2006

Jour 216 - Cerro Plata - S 33.01594º W 69.45504º

5h53... shit, j'suis à la bourre !
Le sac est prêt, le temps de se prendre un café et quelques biscuits, c'est parti pour la confrontation avec el Plata.
6h35.La première demi-heure se fait à la frontale, sur ce chemin que je tutois... c'est la 5ème fois que je l'emprunte ! Puis c'est une véritable feu d'artifice lorsque j'atteind la Hoyada. Le soleil illumine le cerro Rincón, qui change de couleur à chaque seonde, je suis bien obligé de m'arrêter pour profiter du spectacle.
Montée de la Loma Colorada vers le Portezuelo. La virée de la veille passe facture. Les jambes sont lourdes, pas question d'allonger le pas, il va falloir gérer l'effort cette fois-ci.
8h58. Portezuelo. Le vent peut y être intenable (Lucio, un jeune guide me racontait qu'il a du y passer à 4 pattes en redescendant du vallecitos !), mais aujourd'hui
le passage est ouvert : pas plus de 20 ou 30 km/h.
Sous un ciel d'une profondeur saisissante, je prend à gauche vers le Plata. La pente est très douce et le chemin s'étire doucement sous le Pico Plata (le petit frére du Cerro Plata) avant d'aboutir au pied de l'arrête qui s'élance vers le sommet.
10h08. Le côté droit du visage anesthésié par le vent, j'enfiler les gros gants. Tout va bien, 110 bpm au repos et pas essouflé. Le chemin va zigzaguer sur les prochains 400m de dénivelé. Je prends le pari risqué d'en avoir pour 2 heures.
Quelque chose me dérange. J'ai l'impression de manquer de lucidité, je me concentre sur chaque pas. Finalement, un peu dans le cirage, je me résouds à m'assoir et à sortir une barre de céréales. La bouteille d'eau est partiellement gelée.
Simplement, je n'ai pas assez mangé ce matin et les pauses ravitaillement n'ont pas été suffisantes... erreur de débutant ! la même à chaque fois !
10 minutes plus tard, ça va mieux.
Droite... gauche, le rythme est mécanique, les pas plus longs, ça fait maintenant 1h30 que mon palpitant est entre 160 et 180 bpm, la respiration est normale cependant. Je refuse de lever les yeux, de peur de voir le chemin qu'il reste à parcourir, d'autant que je risque de voir un "faux sommet". Droite... gauche.
"quand tu verras l'hélico, le sommet sera à 25m !" c'est la seule info sur laquelle je me concentre.
12h01. Sur ma droite j'aperçois une croix. Je fais 2 pas avant d'assimiler ce que je viens de voir. Je lève les yeux et continue de marcher machinalement. Sans m'arrêter, les bras balants, je m'entends répèter "c'est pas le sommet, c'est pas le sommet". Encore 2 pas,. Je m'arrête (de respirer aussi), regarde tout autour, cherche à aller plus loin... la montagne vient de s'arrêter !

Soudain, c'est une lame de fond d'une violence inouïe, l'émotion à l'état brut. Le bras en croix, hagard, je tombe à genoux en criant mon incrédulité, mes poumons se vident jusqu'à la dernière molécule d'air !
Je ris aux éclats, je pleure à chaudes larmes... c'est le bordel, une tempête, un incontrôlable tsunami émotionnel... la délivrance inespérée!
Damned, j'avais jamais ressenti une chose pareille... qu'est-ce que ça secoue ! Waouhh !
Il faudra 5 bonnes minutes au vent glacial pour me faire redescendre sur terre, il doit faire un bon -15ºC.
Quelques photos de ce panorama immense... le Tupungato, l'Aconcagua, le Mercedario et l'abîme vertigineux du rio Plata, sans oublier l'hélicoptère, là, 10 m plus bas !
Vite , je remet mon guant. Il me faudra 10 minutes pour "récuperer" douloureusement ma main gauche.
Je serais resté 45 minutes au sommet, et pourtant j'ai l'impression de n'y avoir été que 30 secondes... blackout !
Toute fatigue ayant disparu, je me met en route vers le Portezuelo, par le chemin le plus long, histoire de savourer ce moment. Il faudra que je m'assieds à 2 reprises, submergé par l'émotion... je sais, ça à l'air con, mais c'était incontrôlable. Pffff!
Incrédule, j'atteinds le Portezuelo en 20 minutes et décide de continuer vers le campement après avoir hésité à "tirer" vers le Vallecitos ! (mais 3 fois le même sommet en 2 mois, ça fait beaucoup!).
Les nuages sont coincés dans la vallée. En chemin je rencontre tous les campeurs qui était au refuges. Les uns après les autres, à grand renforts d'accolades et de claques dans le dos, ils me félicitent :
Estas loco Francés ! 5h25, que monstro, no me lo créo !... génial !

Je suis de retour à 15h, et quelques temps plus tard, il neige !
La première neige de l'année, j'aurais jamais pensé dormir sous la neige dans cette tente !
Ce soir, impossible de lire mon bouquin, trop de choses à digérer... quel "trip" !

Bon, on va quand même pas en faire tout un plat, hein! Cette maudite montagne ne faisait même pas 6000m... 5965m seulement ! J'ai verifé 4 fois !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tu... Tu me troue le c... !